Lors de la finale de l’Euro 1984, Patrick Battiston simule une blessure alors que la France mène face à l’Espagne et qu’il reste un quart d’heure à jouer. La raison : le défenseur veut laisser sa place à Manuel Amoros pour qu’il ait « sa part de finale ».
Exclu dès le premier match des Bleus de l’Euro 1984 organisé à la maison contre le Danemark pour un coup de tête sur Jesper Olsen en fin de rencontre, Manuel Amoros est suspendu trois matches. Le défenseur « sanguin » ne joue donc pas les deux autres matches de poule (Belgique 5-0 et Yougoslavie 3-2) ni la demi-finale contre le Portugal (1-0).
Pour l’anecdote, avant le début de l’Euro, l’ancien entraîneur de militaires français Joseph Mercier conseille à Manuel Amoros de faire attention et ne plus répondre aux arbitres. Le n°2 tricolore n’aura pas réussi à contrôler ses nerfs un match entier.
Blessure prétexte
En finale contre l’Espagne le 27 juin 1984 au Parc des Princes, Manuel Amoros est remplaçant, assis sur le banc. À sa place, Jean-François Domergue est titulaire après l’avoir solidement remplacé durant toute la compétition.
La France finit par trouver l’ouverture à l’heure de jeu grâce à Michel Platini, une semaine après avoir fêté ses 29 ans (1-0, 57e). Le coup franc et la fameuse « Arconada » qui permet au capitaine des Bleus d’inscrire neuf buts dans la compétition, record inégalé.
Dans la foulée, Manuel Amoros s’échauffe avec sa veste de survêtement bleue Adidas sur le dos au pied des tribunes du Parc des Princes.
Un quart d’heure plus tard, après un rush dans la défense de la « Roja » pour obtenir un corner, Patrick Battiston sautille et semble boiter. La victime de l’attentat de Harald Schumacher lors de la demi-finale mythique France-Allemagne au Mondial 1982 fait signe au banc pour demander le changement. Le sélectionneur Michel Hidalgo n’hésite pas : il fait immédiatement entrer Manuel Amoros à sa place alors qu’il reste un gros quart d’heure à jouer (73e).
Les Bleus se font peur. À la 85e minute, Yvon Le Roux est exclu et laisse ses coéquipiers à dix. Michel Hidalgo ne peut se réorganiser ayant épuisé son quota de changements. Mais la France tient bon et fait le break en toute fin de match grâce à un but de Bruno Bellone (2-0, 90e). La France remporte l’Euro, premier titre majeur pour une équipe de sport collectif tricolore. Et au moment de soulever le trophée en tribunes, Patrick Battiston ne semble pas avoir mal du tout et part courir sur la pelouse avec ses autres coéquipiers pour exhiber la coupe au public.
Durant le tour d’honneur, Joël Bats lance de joie ses gants dans le public du Parc des Princes : il apprendra plus tard que c’est le chanteur Henri Salvador qui les attrape, comme le gardien le raconte à Sports.fr. Autre anecdote : le trophée – que Platini a demandé à ses coéquipiers de fixer durant les hymnes – a failli être oublié dans les vestiaires comme le confie Bernard Lacombe à Sports.fr. Un titre fêté par certains joueurs comme Luis Fernandez – insulté durant tout le match par ses adversaires à cause de ses origines espagnoles – dans une boîte de nuit parisienne où se trouve… Pelé qui les félicite.
« J’ai voulu que Manu ait sa part de finale »
Des années plus tard, Michel Hidalgo revient sur ce changement lors d’une interview en 2015 pour la FFF. Une fois Patrick Battiston sorti, le sélectionneur raconte la scène :
« – Je lui demande : ‘Patrick, Qu’est-ce que tu as ?
– Il me répond : ‘J’ai rien.’
– ‘Comment ça tu n’as rien ?’
– ‘J’ai rien. J’ai voulu que Manu ait sa part de finale' »
Et Michel Hidalgo de conclure : « Battiston c’est extraordinaire ce qu’il a fait. Plutôt que d’être sur le terrain en tant que vainqueur champion d’Europe, il laisse sa place à Manu. Sur le plan de l’esprit d’équipe, ça veut tout dire ».
L’auteur de ce noble geste revient sur cet épisode pour l’émission « Tout le Sport » diffusée le 10 juin 2016. Patrick Battiston se confie : « C’est quelque chose que je n’aurai jamais évoqué si Michel Hidalgo n’en avait pas parlé. Ni aux partenaires, à personne. C’est un truc personnel. »
« Il voulait que je participe à la fête »
Interrogé sur ce remplacement par Le Phocéen en avril 2021, Manuel Amoros souligne l’état d’esprit des Bleus à cette époque : « Ce n’est pas étonnant qu’il ait fait ça quand on connaît Patrick et qu’on vit avec ce groupe-là. Nous les joueurs on n’était pas surpris que lui il fasse ça. »
Et de poursuivre : « Patrick avait confiance. Il savait que je n’allais pas faire le fou, monter sans arrêt. Il savait que je pouvais défendre aussi bien que lui il a fait pendant tout le match. Il voulait que je participe à la fête, que je joue ce bout de finale. »
Et de conclure : « Les mentalités ont tellement changé, le football a tellement changé que ce n’est pas évident aujourd’hui que quelqu’un puisse faire ça surtout en finale de Championnat d’Europe. »
Une compétition qui a marqué toute une génération. Un esprit de groupe avec une certaine décontraction. Lors de la causerie avant cette finale contre l’Espagne, Michel Hidalgo avait dessiné sur le tableau noir une montagne avec un drapeau à planter. Il restait une marche, la dernière, la plus dure, pour arriver au sommet. Et Michel Platini de faire une blague en rajoutant – à l’insu du sélectionneur – un Christ sur la croix.
Une plaisanterie qui ne doit pas masquer le sérieux et la rigueur comme le raconte Bernard Lacombe : « Pendant ce tournoi plus précisément, où nous avions reçu des milliers et des milliers de cartes postales, Michel (Hidalgo) avait eu cette idée d’en tirer quelques-unes avant les matches et je me souviens de celle où était écrit : ‘Pensez aux gens qui ont tissé les fils de votre maillot' ».
Lors de la finale de l’Euro 1984, Patrick Battiston simule une blessure alors que la France mène face à l’Espagne et qu’il reste moins de dix minutes à jouer. La raison : le défenseur veut laisser sa place à Manuel Amoros pour qu’il ait sa part de finale. https://t.co/DCJegHIvN6
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Oct 1, 2022
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