Le soir de la défaite inaugurale de la France contre le Sénégal au Mondial 2002, le président de la FFF Claude Simonet honore une note de frais de 4.800 euros pour une bouteille de vin de Romanée-Conti. Un scandale dans une compétition qui tourne au fiasco pour les Bleus.
Le calice jusqu’à la lie.
Vainqueurs de la Coupe du monde 1998, de l’Euro 2000 et de la Coupe des confédérations 2001, les Bleus font logiquement figure de favoris au Mondial 2002 qui se déroule en Corée du Sud et au Japon. Et rêvent d’un inédit triplé Mondial-Euro-Mondial.
Comme un mauvais présage, en décembre 2001, alors que la France doit partir en Corée pour assister au tirage au sort de la compétition, la FFF est à deux doigts d’oublier le (véritable) trophée de la Coupe du monde pour le remettre à la FIFA comme le veut la tradition. La veille du départ, Philippe Tournon doit aller chercher la Coupe du monde en catastrophe dans un coffre ! L’attaché de presse de l’équipe de France de l’époque raconte cet épisode racoambolesque dans ses mémoires « La vie en Bleu » : « Quand on sait les précautions rigoureuses de manutention et de transport qui entourent aujourd’hui la Coupe du monde, on a du mal à croire que j’aie quitté l’avenue Iéna avec mes 6,175 kilos d’or massif dans un sac Adidas que j’ai mis sur la banquette arrière de ma voituire (…) Nous ne nous sommes pas privés avec ma compagne, Elisabeth, de faire quelques photos et même un petit film dans le décor familial, et la nuit venue nous avons monté le sac et son précieux contenu dans notre chambre au premier étage. Vous imaginez un cambrioleur dans la nuit au rez-de chaussée, qui repart avec la vraie Coupe du monde ! » Et de conclure : « Le lendemain matin, direction Roissy avec ma valise… et mon sac qui ne quitte pas mes mains. Evidemment, en passant le portique de sécurité, l’alarme se déclenche, et les agents de sécurité de l’aéroport rigolent bien quand je leur explique que c’est la Coupe du monde en or. Le fameux sac ouvert, ils doivent bien se rendre à l’évidence. Je voyage le sac entre les jambes, et je pousse un gros, très gros soupir de soulagement, quand, enfin arrivé à l’hôtel du tirage au sort de Busan, je peux remettre mon lourd, précieux et stressant chargement à un officiel de la FIFA ».
Même s’ils sont vieillissants, les tenants du titre emmenés par Roger Lemerre conservent une solide ossature : Fabien Barthez, Lilian Thuram, Marcel Desailly, Emmanuel Petit. Les Bleus comptent les trois meilleurs buteurs des championnats européens : Thierry Henry (Angleterre), David Trezeguet (Italie) et Djibril Cissé (France). Enfin, Zinedine Zidane est là. Après une saison stratosphérique et une Ligue des Champions remportée avec le Real Madrid avec sa reprise de volée en finale, Zizou est papa pour la troisième fois. Mais lors d’un match amical – dealé par la FFF – contre la Corée du Sud le 26 mai, le n°10 tricolore est touché à la cuisse. Lésion de 10 cm au quadriceps synonyme de forfait pour le match d’ouverture du Mondial 2002 cinq jours plus tard. Une absence de taille tout comme celle de Robert Pirès, qui s’est fait les croisés au printemps avec Arsenal.
Zidane rembobine pour L’Equipe : « Je suis arrivé tout seul au Japon. Je me suis entraîné tout seul. Mais c’est moi qui suis fautif. Je gagne la Ligue des Champions le 15 mai, mon fils naît le 18 mai, je reste unjour avec ma famille et, le 20 mai, je suis dans l’avion pour le Japon. Et quelques jours plus tard, je suis sur le terrain là-bas à jouer en amical contre la Corée du Sud (3-2, le 26). Après une saison complète et intense. Mais j’étais dans l’euphorie. J’aime ça, je veux être avec les copains. Alors qu’en plus Roger Lemerre, les mecs, me disent que j’ai le temps… C’est moi qui précipite les choses. J’aurais dû me calmer. Je joue contre la Corée du Sud et je me pète à la cuisse (à la 38e minute, remplacé par Sylvain Wiltord). J’ai ensuite passé mon temps en décalage du groupe. Ils s’entraînaient, j’étais aux soins. J’étais sur le terrain tout seul, ils étaient en réunion… J’ai tout fait à contre-pied. Je fais tout pour revenir pour le dernier match. Mais je ne suis pas bien »
France-Sénégal. 31 mai 2002. Une rencontre prise de haut par les Bleus à l’image du capitaine Marcel Desailly et sa déclaration sur le « folklore » de ce pays africain à l’issue du tirage au sort en décembre 2001 rapportée dans Le Nouvel Observateur : « C’est merveilleux d’affronter le Sénégal en ouverture, on a eu la possibilité de rencontrer le Cameroun récemment, on sait qu’il y aura du folklore, mais il faudra se méfier de cette équipe qui possède des joueurs de qualité ».
Sans oublier que – contrairement aux Lions de la Téranga – les joueurs et le staff tricolores refusent, la veille, de faire un entraînement pour se familiariser avec la pelouse du World Cup Stadium de Séoul à cause des bouchons dantesques dans la ville sud-coréenne.
Le jour J, Roger Lemerre décide de procéder à une cérémonie de remise de maillot avec un message à chacun des joueurs. Le même message pour tous : « Je peux tous vous regarder dans les yeux et vous dire : je t’ai donné un maillot, je t’ai donné un numéro, tu dois l’honorer. Silvestre, je t’ai donné un maillot, je t’ai donné un numéro, tu dois l’honorer. Thuram, pareil. Je t’ai donné un maillot, je t’ai donné un numéro, tu dois l’honorer. Philippe, pareil. Zizou, pareil. Je t’ai donné un maillot, je t’ai donné un numéro, tu dois l’honorer… »
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La compo est la suivante avec la même défense que lors du France-Brésil 1998 : Barthez – Thuram – Lebœuf – Desailly – Lizarazu, devant eux la paire Vieira-Petit, au milieu Henry-Djorkaeff-Wiltord, et Trezeguet à la pointe de l’attaque. Zidane sur le banc en survêtement.
À la surprise générale, le Sénégal ouvre le score à la 30e minute grâce à Papa Bouba Diopau, joueur du RC Lens (2002-2004). Les hommes de Bruno Metsu conservent le score malgré une transversale d’Henry et un poteau de Trezeguet (Fadiga aussi touche la barre). Le coq gaulois mangé par les Lions de la Téranga. Défaite inaugurale de la France dans la compétition, prémices de l’élimination tricolore.
Dès la fin du match, l’ambiance est pesante comme le raconte le livre « L’histoire secrète des Bleus, de la gloire à la désillusion » : « Dans les studios de télévision de TF1, juste avant de brancher les micros, Leboeuf se laisse aller et charge Youri Djorkaeff ‘incapable de garder le ballon’ : ‘ça pour faire des râteaux…' ».
Un Frank Leboeuf qui a subi durant tout le match les provocations de l’attaquant El-Hadj Diouf, lui racontant que les joueurs du Sénégal ont passé la nuit dans le même hôtel que les femmes des joueurs de l’équipe de France. Des joueurs avaient prévenu : « Comment voulez-vous que l’on reste concentrés si nos femmes sont dans le même hôtel que les Sénégalais ? »
Une bouteille de Romanée-Conti le soir de la défaite
Les joueurs de l’équipe de France, le staff tricolore, le gratin de la FFF et les journalistes français logent et cohabitent dans le même hôtel – le Sheraton à Séoul – où tout finit par se savoir.
Dans l’établissement se trouve notamment une boîte de nuit, un casino et un restaurant select avec une grande cave à vins.
Le soir de la défaite inaugurale de la France tenante du titre contre le Sénégal, le président de la Fédération Française de Football (FFF) Claude Simonet honore une note de frais de 4.800 euros (équivalent en wons) pour une bouteille de Romanée-Conti bue au restaurant de l’hôtel Sheraton le 31 mai 2002.
Une addition totale de 6.881 euros dont la Romanée-Conti – réputée pour être le meilleur vin de Bourgogne – datée de 1998 : un grand cru et une grande année pour le football tricolore.
Une note de frais dévoilée le 7 juillet 2002 par le JDD qui en publie le fac-similé dans un article intitulé « Les notes salées du président ».
Le 7 janvier 2003, Claude Simonet revient sur cet épisode dans Le Monde : « On a fait toute une histoire parce que j’avais invité à dîner des partenaires le soir de la défaite du match d’ouverture France-Sénégal. On était une vingtaine, avec Jean-Michel Aulas, Aimé Jacquet. Dans les commandes de vin, quelqu’un s’est trompé dans les conversions, une bouteille – le fameux flacon de romanée-conti – était chère. Ce n’est pas ma faute. Au moment de l’addition, on a fait mettre la note sur la chambre du président, ce qui était normal. »
Autre défense deux ans plus tard dans Libération le 12 février 2005, avant la fin de son mandat : « Je n’en ai pas bu une goutte, j’ai juste signé une facture d’un repas de 21 personnes. »
Claude Simonet a été condamné en 2007 pour avoir dissimulé un important déficit dans les comptes de la FFF.
Le dérapage de Thierry Roland
Un match marqué également par ce commentaire en forme de dérapage de Thierry Roland sur TF1 : « Il se bat, Vieira, contre ses cousins » en parlant du milieu du terrain des Bleus né à Dakar.
« Arrêtez de vous la raconter »
Alors que la qualification est encore possible avec les deux matches restant (Uruguay et Danemark), le sélectionneur Roger Lemerre met en garde les Bleus dans une causerie mythique après la défaite d’entrée en les exhortant : « Arrêtez de vous la raconter ! »
"Arrêtez de vous la raconter !" Le sélectionneur Roger Lemerre met en garde les Bleus dans une causerie mythique après une défaite d'entrée contre le Sénégal au Mondial 2002. La France sera éliminée dès le premier tour (nul puis revers contre le Danemark) pic.twitter.com/hN21MqeDuz
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Christophe Dugarry se souvient des choix douteux de Roger Lemerre qui est revenu sur ses paroles avant France-Uruguay, après avoir pourtant eu une discussion avec les joueurs cadres, comme il le raconte à RMC en avril 2020 : « Il y a eu beaucoup d’incompréhensions… Je me souviens de la tête de Zidane, il était fou ! Il avait sa tête de ‘on met des coups de boule’. »
Rien n’y fait. Le 6 juin 2002, les Bleus font match nul contre l’Uruguay (0-0) après avoir joué à dix contre onze suite à l’exclusion de Thierry Henry et un nouveau poteau d’Emmanuel Petit.
Après la défaite contre le Sénégal au Mondial 2002, Thierry Henry est exclu contre l'Uruguay (0-0) et file aux vestiaires où il rejoint Zidane (blessé) qui ne lui adresse pas un mot ni un regard.
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La France perd contre le Danemark et est éliminée d'entréepic.twitter.com/2L4TvEi8Q5
Le 11 juin 2002, la France est au pied du mur face au Danemark : soit elle gagne par deux buts d’écart pour se qualifier soit elle prend la porte.
La veille, Johan Micoud vagabonde au casino de l’hôtel ne sachant pas qu’il va être titulaire pour cette ultime rencontre, comme le raconte le reporter de L’Equipe Vincent Duluc. Autre anecdote : un journaliste parvient à se faufiler dans une salle à côté du vestiaire tricolore lors de l’un des derniers entraînements pour écouter les consignes de Roger Lemerre.
Malgré le retour de Zidane avec sa cuisse gauche bandée – il est élu homme du match – et une barre de Desailly et un poteau de Trezeguet, les Bleus s’inclinent (2-0) et sont éliminés d’entrée. Bilan de la France dans la compétition : 5 montants, 0 victoire, 0 but. Dernière du groupe. Rideau.
« Toujours des questions à la con »
Un fiasco retentissant qui se termine en apothéose avec cette réponse culte de Fabien Barthez aux journalistes en zone mixte après l’élimination : « Toujours des questions à la con ».
Fabien Barthez répond aux journalistes après l'élimination de la France du Mondial 2002 à l'issue de sa défaite contre le Danemark le 11 juin 2002 : "Toujours des questions à la con"pic.twitter.com/6uOi0v2wTj
— UN TRUC DE FOOT (@untrucdefoot) October 14, 2022
Interprétée par Johnny Hallyday, « Tous ensemble » est la chanson officielle de l’équipe de France pour la Coupe du monde 2002 : « On est champion, on est tous ensemble / C’est le grand jeu, la France est debout ». Raté.
La préparation des Bleus à la Coupe du monde 2002 a-t-elle été sacrifiée aux sponsors ? Les hommes de Roger Lemerre ont-ils été perçus plus forts qu’ils ne l’étaient ? Preuve en est la deuxième étoile sur le maillot tricolore au Stade de France lors de France-Belgique le 18 mai 2002. Sans oublier le slogan réactualisé de France 1998 pour la campagne d’Asie : « La victoire est (toujours) en nous ».
Pour l’anecdote, après le Mondial 2002, Emmanuel Petit rencontre par hasard une personne qui lui annonce qu’il est marabouté. Si le milieu des Bleus ne tue pas une vache pour annihiler le sort, on lui prédit une grave blessure… ce qui arrive six mois après et entraîne la fin de sa carrière.
Plongée au cœur de ce Mondial 2002 avec le documentaire « Les Yeux dans les Bleus 3 »
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